Marina Uribe

La Dynamique des choses
Projet de création et de collaboration en cours depuis Septembre 2021

Le projet “La dynamique des choses”, soutenu par le Ministère de la culture du Luxembourg, se veut être un espace d’échange et de création entre 9 artistes (FR, KZ, LU). Par la démarche “personal is political”, nous revisitons nos gestes quotidiens comme un moyen d’action pour transformer notre condition de femme. Une rencontre est prévue à l'Octroi Nancy le 13,14 et 15 Mai 2022, une exposition au sein du musée national du Kazakhstan en Février 2023 ainsi que des temps de transmissions et de diffusions dans la région Grand Est à partir de septembre 2022.





«La dynamique des choses» se veut être un espace d’échange et de création entre 9 artistes. Le noyau de ce projet est une rencontre au sein du musée national du Kazakhstan à Almaty en Février 2023. Il réunit un échantillon de femmes de générations différentes, de cultures occidentales et orientales ayant vécues ou connues plusieurs systèmes politiques : artistes françaises, luxembourgeoises et kazakhs. Nous exerçons des pratiques artistiques telles que la céramique, le dessin, le tissage, la création de costumes, la sculpture, la danse, l’installation ou encore la performance.

Pour ma part, mes réflexions et productions artistiques s’articulent autour d’un lien étrange entre l’écologie et le numérique, et de gestes artistiques se rapprochant de l’artisanat. S’il n’y a pas de revandication féministe ou politique ouvertement revendiquée ou nommée, elles constituent la toile de fond de mes recherches et productions.

Le terme “féminisme” n'est pas perçu de la même manière par toutes les femmes. La dynamique actuelle est de s’entourer des gens de mêmes convictions, cela n’est pas notre cas pour ce projet.
La perception négative et le refus d’assimilation au terme “féminisme” par certaines artistes femmes kazakhs nous a donné l’envie de nous rassembler entre femmes de générations et de cultures différentes.
Il est intéressant que certaines esthétiques et imageries actuelles en Europe Occidentale, associées à des techniques artisanales, soient attribuées à une forme d’éco-féminisme. Au Kazakhstan cependant, des créations tout à fait similaires s’inscrivent plus simplement dans une tradition, sans besoin ou volonté de se rattacher à un mouvement ou à une politisation même éloignée. Démêler d'où viennent nos divergences idéologiques et accueillir le point de vue de l’autre seront les fils conducteurs de notre démarche qui mêlera dialogue et création.

En prenant à contrepied les glorifications des histoires héroïques qui circulent dans nos sociétés, nous parlerons du quotidien, et plus encore, des quotidiens féminins. Par la démarche “personal is political”, nous étudierons nos gestes et leurs impacts comme un moyen d’action pour transformer notre condition de femme.

En nous inspirant du mouvement Fluxus qui soulève dans les années 60 des questions autour de la place de l’art dans la société et du rôle de l’artiste, “L’art c’est la vie, la vie c’est l’art», nous mettrons en place un protocole souple qui sera le fil conducteur de ce projet in progress. Cela permettra de créer au sein du musée un espace de collaboration libre et horizontal, laissant la place à la spontanéité, au hasard et aux expérimentations.

Dans un premier temps, nous réaliserons des pièces en solo afin d'apprendre à nous connaître à travers nos productions. Puis, par le partage des idées et des techniques, nous procéderons ensemble à la création de nouvelles œuvres communes. La plupart des œuvres co-créées in situ feront écho à notre rapport au corps, aux liens familiaux, aux croyances et à la mémoire, des thématiques auxquelles chacun·e·s pourra facilement s’identifier.
La collaboration entre les artistes et les visiteurs est au cœur de cette rencontre : des moments d’échanges déclenchés par les œuvres et performances seront proposés, moments où nous pourrons débattre autour des gestes exposés et en inventer des nouveaux.

“Il s’agit de créer dans l’espace social plutôt que dans l’atelier ; sur une longue durée et avec d’autres plutôt qu’en son for intérieur ; de façon collective plutôt que démiurgique. L’œuvre n’est pas le fruit du travail de l’artiste seul, mais celui d’une collaboration en présence, entre artistes et volontaires. Ce dispositif artistique bouleverse notre conception de l’art et nos catégories esthétiques” comme l’écrit Estelle Zhong Mengual dans son livre “L’art en commun, réinventer les formes du collectif en contexte démocratique”.

En 2018 j'ai entrepris un voyage dans le pays des origines de mon père : la Colombie. Mes liens à la nature s’y sont déployés et je suis tombée amoureuse de la pratique du tissage. Même si le numérique a toujours fait partie de mes créations, j'ai senti le besoin d'étendre mes savoir-faire à quelque chose de plus manuel, plus corporel. Cette technique me permet de retranscrire mes relations et mes rencontres au monde, de m’allier à l’autre.

Les recherches que j’entreprends pour “La dynamique des choses” sont dans la continuité de mes sujets d’études et de productions actuelles autour du tissage et de son utilisation. Jusqu'alors abordé par le biais de ma double culture franco-colombienne, j’y vois la possibilité et l’occasion d’élargir mon champ de recherche à travers la culture d’Asie centrale kazakh où le tissage y tient aussi un rôle très important.

Je prends pour objet d’étude une sangle tissée de plusieurs mètres de long appelée Baskur, dont je fais intuitivement le parallèle avec le Chumbe de la communauté guambianos en Colombie. Cette grande ceinture vient entourer le périmètre intérieur de la yourte kazakh sur laquelle on retrouve des motifs cosmogoniques que je souhaite étudier et utiliser comme support de mes créations. Pouvons-nous y déchiffrer des histoires personnelles et/ou des histoires reliées à la mythologie kazakh ?

C’est autour de cet élément que je souhaite inviter les artistes et visiteurs à participer. Ils pourront raconter leurs histoires et la diversité de leurs gestes quotidiens en les inscrivant (broderie, dessin, peinture, écriture) sur des bandes de tissus. Celles-ci seront reliées ensemble pour faire correspondre les histoires de chacun à la manière du Baskur qui relie l’univers à l’habitat intime.

Pour notre première recontre, nous créerons des pièces à partir de protocoles. Le mien est le suivant : Raconter ou représenter une relation familiale, qui nous est propre, avec la technique du feutre (à base de laine cardée). Le feutrage, oublié en France, est une technique traditionnelle très utilisée au Kazakhstan (souvent travaillée en couverture et tapis par des groupes de femmes). Cette matière permettra de faire le lien entre nos différentes cultures : en faisant appel à nos traditions, mais aussi grâce aux gestes communs et à la matière enveloppante et réconfortante.
La manière dont sera utilisé le feutre (volume ou 2D, avec insert, unie...) est libre. Nous pourront créer plusieurs "couvertures" en feutres ou autres objets pouvant servir de base performative, ou bien travailler sur la production d'un seul objet qui nous représentera toutes.

Les informations que je compte récolter sur le terrain pour mes recherches personnelles sont dans la continuité des thématiques que je développe : les liens entre femmes et tissages comme les femmes gardiennes et créatrices des textiles de l’habitat nomade ; les liens entre spiritualité et écologie comme le culte du soleil et l’ancienne religion animiste kazakh ; l’aigle royal des steppes, symbole du Kazakhstan, m'interpelle et me donne envie d’étudier le rapport intime entre les oiseaux et le peuple kazakh, sujets que j’ai déjà abordé au sein de l'installation Être Oiseaux (2021) ; ainsi que le Kazakhstan terre de métissage culturel et religieux, comme un point de comparaison avec mon propre métissage culturel.

Toutes ces recherches accumulées au Kazakhstan, je souhaite les faire rayonner à travers de futures créations, mais surtout autour d’un retour d’expérience qui se traduirait par des temps de transmission au sein de rencontres, d’expositions et d’ateliers dans la région. Le projet a déjà l’appui du Ministère de la Culture du Luxembourg et pour une pleine implantation dans la région, nous avons aussi sollicité l'Octroi ainsi que la galerie Ergastule à Nancy.

Pour plus d’informations, nous avons une plateforme commune où nous communiquons régulièrement nos références et nos pistes de projets pour l’exposition.
A découvrir ici : https://padlet.com/uribemarinaisabelle/zgk53q0d26b5p5m4