Marina Uribe

Oasis Artificielles : healthy oasis, smart oasis, power Oasis
Triptyque installation vidéo, 7min environ par vidéo, boucle, taille variable - juin 2018/juin 2021

Exposé à la 5° Triennale Jeune Création du Luxembourg - Brave New World Order, Casino centre d'art, Luxembourg, du 02.07.2021 au 29.08.2021
Exposé au festival Vidéoformes 2019 à Clermont-Ferrand du 13.03 au 30.03.2019
& à l'exposition Continuum Emergent, Galerie Namima, Ensad Nancy du 04.11.18 au 14.12.18

Ce travail vidéo-documentaire porte sur l’évocation, dans notre société occidentale, de la notion du paradis et de l’oasis/du jardin d’Eden. À partir de témoignages recueillis lors d’un micro-trottoir, les habitants de Düsseldorf ont été interviewés sur leur perception du paradis (en allemand ce mot a une double signification : oasis terrestre ou paradis spirituel).

A travers trois vidéos thématiques, ce reportage offre des images issues du monde du discount. Des slogans, au sens hermétique, s’y entrecroisent avec des sous-titres issus de propos spontanés de monsieur et madame tout le monde. Pour évoquer le paradis-oasis, l’ensemble s’insère dans des images de lieux fantasmés et stéréotypés : île paradisiaque, nature opulente et vie céleste parmi les nuages.

L’attention du spectateur est attirée sur ces stimuli incessants provoqués par les publicités qui nous donnent le tournis. Cette réalisation se veut représentative des bienfaits de notre temps, du bonheur selon la vision d’aujourd’hui, en l’occurrence centrés sur le bien-être, l’objet technologique et le pouvoir. Le lexique choisi tourne autour du bonheur, du succès et de la prospérité qui façonnent notre individualité actuelle. Il s’agit de mettre en exergue jusqu’où nous mèneront ces manipulations des opinions développées à travers les identités publicitaires. Pourquoi l’acquisition d’une voiture nous rendrait-elle soudain plus libre et plus fort ?

La bande sonore, quant à elle, nous plonge dans une atmosphère semitranquille, celle du bien-être de l’achat et d’un demi-sommeil qui endort la conscience.

Après l’analyse des différentes réponses que j’ai pu avoir, sur un panel large de la population de Düsseldorf, j’ai pu constater la récurrence d’un certain nombre de réponses. Les passants nous livrent leurs questionnements sur le monde du travail, de l’argent et de la politique. Leur révolte arrive au point extrême d’affirmer « Personne ne devrait plus travailler ». Ainsi, derrière les images séduisantes des messages publicitaires, c’est une remise en question du système sociétal et de son statut qui est là en marche. S’y déploient également les contraintes monétaires personnelles et mondiales comme avoir un bon salaire pour mieux vivre pour soi mais aussi avoir plus d’argent pour tout le monde dans un élan altruiste. « Dans mon oasis j’aimerais qu’il n’y ait pas beaucoup de travail à faire. Que les choses viennent tout simplement à nous. »

À mon sens, notre génération a la mission de faire évoluer le système capitaliste actuel, de le modifier drastiquement lui et ses ruses commerciales. La politique actuelle est en effet trop contrôlée par les lois du marché et des lobbyings. « La politique [est] en train de casser cet oasis ». Il faut donc s’atteler à modifier nos manières d’agir dans tous les domaines, les changements passant d’abord par les usages.

La politique a-t-elle encore le rôle qu’on pouvait lui accorder autrefois ? L’intervention de la population doit surtout porter sur le système social et technique.

Ces témoignages je les ai vécus comme un appel impérieux à la coexistence, à l’entraide et à la coopération si peu prégnantes dans la société de consommation actuelle. « La paix, la liberté. », la vie libérée des messages subliminaux de la consommation, des simulacres des objets. S’approprier des objets matériels grâce à l’achat n’est donc plus pour eux la solution unique. La nécessité est d’évoluer vers « un monde sans richesse ». Il s’agit d’abolir un système autocentré sur le rendement et la monnaie. Les repères quotidiens doivent être abandonnés pour ne plus être dictés par l’identité de la consommation. Il s’agit, pour s’en dégager, de se recentrer sur l’environnement proche, le plus naturel : « Le paradis c’est un environnement sain ».

Derrière cette atmosphère en apparence paisible, qui nous berce au rythme des publicités lénifiantes, je veux attirer l’attention sur l’importance de remettre en avant l’entraide, et d’écarter les sirènes du commerce, de ces artefacts visuels, attractifs.

Dorénavant, il serait impératif de se dégager du discours prémâché, de tout ce qu’on nous raconte. Les gens doivent rêver pour agir ensemble, dans le partage des idées et des actions, afin de construire une oasis véritablement humaine.

vue de l'exposition de la 5° Triennale de la Jeune Création, Centre culturel Casino du Luxembourg (été 2021)